Fête le train

Sur les rails de la privatisation

Par Herbé | Publié le 6 janvier 2022

Retour festif

Neuf mois qu’il ne circulait plus. Du moins, qu’il n’était pas possible de relier Briançon directement à Paris. Neuf mois d’arrêt pour travaux forcés nécessités par la réfection de la portion de voie ferrée entre Livron-sur-Drôme et Aspres-sur-Buëch ; depuis tout ce temps, le train de nuit était à quai. Pour les voyageurs, pas d’autres alternatives que des bus de substitution et douze heures de voyage !

Le train de nuit Paris-Briançon a donc repris du service ce dimanche 12 décembre, à 20 h 52 précises pour son grand retour dans les Hautes-Alpes avec des voitures rénovées. A son bord, Joel Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ruralité (depuis 2020). Mais aussi quelques adeptes parisiens prêts à déguster la Blanche tombée en abondance cette année.

Pour marquer enfin la sortie de l’ère des rustines, le collectif de l’étoile ferroviaire de Veynes a invité usagers, militants, élus, syndicats à se mobiliser dans les gares tout au long du parcours, lors de la dimenjada des 11,12 et 13 décembre. L’opération a été un succès.
A Embrun, c’est la fameuse banderole, naguère déployée par les Gilets Jaunes sur le pont de Serre-Ponçon "quand tout sera privé on sera privé de tout" qui attendait les voyageurs. Une simple piqure qui rappelle les objectifs régionaux de privatisation du réseau ferré local ; car tout ce petit monde de l’Etoile de Veynes ne semble pas mesurer la force de ce rouleau compresseur qu’est l’ouverture à la concurrence du rail et dont certain(e)s s’accommodent sans problème, pourvu qu’il y ait des trains .

La privatisation du rail est en marche

En effet, notre région PACA a lancé, en pionnière et sans obligation, un grand « plan de relance par la privatisation-filialisation » de nos voies ferrées.
Ainsi le découpage en tronçons filialisables a commencé : Transdev et Alitalia sont déjà sur les rails pour profiter de cette alléchante manne offerte par nos élus.
La création de filiales va nécessiter l’augmentation du nombre de cadres bien payés au détriment du nombre des agents (guichets, contrôleurs, …) peu payés, voire exclus (départs en retraite, transferts plus ou moins imposés). Selon Sud Rail, deux cents cheminot(e)s seraient immédiatement concerné(e)s par cette mutation vers le privé.

Un comité d’accueil revendicatif

A son arrivée à 8h22 en gare de Briançon, les mouvements citoyens défendant le train de nuit et les petites lignes locales, toujours vigilants, constituaient le comité d’accueil, d’abord festif, puis revendicatif.
Ainsi l’intervention de Catherine Lionnet : « Je m’exprime ici aujourd’hui au nom du Groupe d’Action France Insoumise de Briançon.
Bien sûr nous nous réjouissons du retour de notre train de nuit, ce train que nous avons défendu pendant plus de 10 ans. Même si le Paris-Briançon faisait partie des deux trains de nuit sauvegardés sur les vingt supprimés en France, car il n’y avait pas d’autre alternatives de transport. Il est une ligne de vie essentielle de notre territoire.
Mais nous ne pouvons pas nous empêcher de nous demander s’il ne s’agirait pas de poudre aux yeux, d’un écran de fumée ou de l’arbre qui cache la forêt … car dans le même temps :
 Il y a urgence : à cause d’un sous-investissement chronique, le réseau ferré français est à bout de souffle,
 pour la pérennité des trains de nuit, il faudra à terme du matériel neuf et non du matériel rénové,
 les postes de guichetiers ou de contrôleurs sont supprimés, les gares fermées,
 le découpage en filiales est en cours, avec une augmentation du nombre de cadres pour la mettre en œuvre, pour la mise en vente par morceaux,
 les négociations salariales visant à rattraper 8 ans de gel des salaires n’ont pas abouti et trois syndicats ont déposé un préavis de grève qui court jusqu’au 31 janvier 2022,
Avec une convention se terminant en 2025, nous sommes pleinement concernés par une ouverture à la concurrence, et « Grâce à notre, Président de région Renaud Muselier », la ligne Marseille-Toulon Nice est d’ores et déjà attribuée à un opérateur privé, Transdev, à partir de 2025, pour 10 ans, prolongeable de 2. Depuis la loi de 2018 et l’ouverture à la concurrence du ferroviaire, personne n’avait porté un tel coup au service public. C’est chose faite en PACA, merci M. Muselier !
 Pas moins de 200 cheminotes et cheminots sont menacés de transfert vers le nouvel opérateur. Le dumping social va pouvoir battre son plein, sans oublier que l’opérateur historique joue le même jeu avec la filiale 100% privée SNCF Sud Azur pour répondre aux appels d’offres.
Sans cheminot(e)s, pas de service public du train ! Nous dénonçons le leurre selon lequel un service privé qui doit dégager du profit en plus du service rendu serait plus efficace qu’un service public bien géré, qu’un service public qui ne soit pas saboté dans le but de l’offrir au privé.
La France insoumise dénonce une telle manœuvre qui ne fera que détruire le service public ferroviaire voyageur, quelques années après celui du fret. À l’heure des urgences écologique et climatique, nous rappelons que seul un monopole public permettra de réellement relancer ce mode de transport écologique et populaire.
Quand tout sera privé, on sera privé de tout !
Nous défendons l’idée d’un grand pôle public national du rail pour que de telles destructions cessent et que l’État reprenne son rôle d’organisateur des transports dans notre pays. La France insoumise et son groupe thématique Transports soutiendront toujours les cheminotes et cheminots et seront à leurs côtés dans les luttes contre cette casse du service public par la concurrence et la filialisation, que ce soit en PACA ou ailleurs.

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