La guerre de l’hyperlien n’aura pas lieu
Réflexion sur la « Libre expression »

Evolution inter-nautique
Depuis le début du confinement, les nombreuses listes de diffusion auxquelles j’ai confié mes coordonnées, ont vu augmenter considérablement le nombre de messages m’invitant à cliquer sur un hyperlien. Outre la calamité que représente les redondances, certains expéditeurs ne se fendent même plus d’écrire un texte d’accompagnement donnant leur opinion quant à ce qu’il propose à ma lecture. Au début de cette évolution inter-nautique, je cliquais.
Aujourd’hui, dans ce fatras d’informations, beaucoup trop anxiogènes en cette période de pandémie, je zappe. Après un tri sélectif, je jette à la poubelle, voire je classe l’expéditeur en pourriel. Allez, hop ! Aux oubliettes !
Basta, je me suis donc insoumis à cette consommation de l’hyperlien, que j’ai hélas pratiqué aussi, je ne le cache pas. Alors je le dis et l’écris, je ne veux pas être un robot au service d’un système dit « de progrès » :
BASTA, ça suffit de l’hyper-liaison qui fait perdre tout lien social sous prétexte d’informer
NON aux diktats du like et du pouce bleu levé, s’il n’y a, au minimum, la possibilité d’un un-like et d’un pouce en bas.
HALTE à cette novlangue iconique !
La locution « expression libre » a glissé sous mes doigts
Arrivé à ce point de ma diatribe matutinale, la locution « expression libre » a glissé sous mes doigts (oui, je travaille à l’ancienne, je brouillonne, de prime abord, avec stylo et papier).
Dans cette locution, il y a expression. Le dico des synonymes me propose, dans l’ordre d’apparition à l’image
=> Mimique : ne ferai-je point le singe derrière ma plume et mon clavier ?
=> Émanation : ça reste vaporeux
=> Incarnation : serait-ce corporel ?
Au secours ! J’arrête là ma liste, même pas à la Prévert
Juxtaposé à expression, l’adjectif libre. Hou, là, là, vais-je m’accouder au zinc du café du commerce ?
Ouais, le liberté naît dans le retrait de toutes les règles ; ça fleure bon les libéraux avancés ça, non ? Toute les règles sauf celle de la loi de l’offre et de la demande !
Oui, parce qu’il y a une loi qui dit qu’il y a toujours une exception qui confirme la règle. Hors cette loi ne connaît pas d’exception. Cette dernière exception, est donc l’exception à la loi qui dit …. là tu débloques.
Non, mais écoute « Comment pourrais-je accepter ce que je n’aurais pas le droit de contredire » écrit Mélenchon … il poursuit « la règle est une façon de rendre concrète une liberté ».
Ainsi donc, personnellement, je conçois de participer à l’élaboration d’une règle de vie commune par exemple, à deux conditions. Primo que cette règle ne soit pas inscrite dans le marbre, pouvant être remise en question à tout moment. Deuzio que cette construction ait été faite après un débat contradictoire.
Miroir mon beau miroir, ….
A ce stade de ma réflexion (miroir mon beau miroir, ….) j’en reviens donc à la locution « expression libre ». Sans encyclopedia universalis sous la main, je suis donc parti surfer sur la Toile avec qui j’entretiens une hyper-liaison dangereuse.
Les dictionnaires "l’internaute" et "Reverso" présentent notre locution "expression libre" comme une expression corporelle qui permet d’exprimer ses sentiments et sa créativité tout en pratiquant une activité sportive, tournure en vogue depuis les années 60.
Cette définition me convient bien.
En effet, quand je pars sur mon bloc-notes à étaler mes sentiments, mes idées, mon avis, le glissement rapide et saccadé de ma bille sur le papier vibre jusque dans ma colonne à vingt cinq balles.
Et bien évidemment, une soixantaine d’années après, la tournure verbale a pris un autre tour. « L’expression libre » est présentée comme une nécessité pour tous les Homo sapiens, qui pensent donc et ont besoin de manifester cette pensée : c’est l’essence même de la vie de l’Humain dans un contexte social. Cela a été mis en œuvre dans certaines structures scolaires (Freinet, Montessori, etc.) sous le vocable académique (beurk) de « travaux pratiques »
Après ce tour d’horizon matinal
Conséquemment, de mon point de vue après ce tour d’horizon matinal, toute structure qui se revendique de la libre expression devrait mettre un point d’honneur à considérer chaque individu et attacher de l’importance à la reconnaissance des minorités, des exclus, des précaires. Une manière de lutter pour le droit d’être de chacun, en lui apportant aussi une sensibilisation sur ses responsabilités.
On peut dons être à la marge, mais, en vieux prof que je suis, je vous rappelle que la marge est sur le cahier.
Les hyperliens constituteraient-ils les arts plastiques de ce monde inter-nautique ?
Des balustrades de mots
Cependant, dans tout collectif, réuni autour d’un concept, d’une idée commune, il est mis en place un certain nombre de garde-fous, balustrades de mots pour protéger l’objet commun afin qu’il ne soit dévoyé.
Là est la question !
Comment protéger ce bien mis en commun, cette richesse produite ensemble à partir de nos riches différences pour la mettre à l’abri de celles et ceux qui ont une araignée au plafond (Web !, je n’ai pu m’empêcher), des atteints de manipulation obsessionnelle, de celles qui n’ont comme règle (pour tirer des traits) que la perversion narcissique ou toute autre joyeuseté nécrosante ?
Allô, docteurs !
Hélas je n’ai pas la science pour poser un diagnostic, tout au plus, comme aux courses, je n’ai recours qu’à des pronostics …. qui me feront perdre ou gagner.
Pour conclure, j’écrirai donc que la guerre de l’hyperlien n’a pas lieu d’être … mais que son utilisation se doit être mesurée « C’est la dose qui fait le poison » écrivait l’alchimiste Paracelse.
Et comme je suis un immense provocateur (mon miroir est déformant), je vous invite à croire à ma vérité.