Les Zoeu’reux
Jean Baptiste, éleveur de poules pondeuses bio
C’est au printemps 2021 que, là, à l’angle de l’hôtel des Autanes sur le marché dominical d’Ancelle, j’ai vu, depuis ma fenêtre, sa haute silhouette barbue installer sa table de camping, quelques conserves et ses œufs bio.
Au fil des semaines nous avons sympathisé. Toujours curieux de la production agricole, je lui ai proposé un entretien pour en savoir un peu plus sur ses poules pondeuses.
Une belle ânerie pour commencer
On l’appelle Jean-Baptiste, c’est un iséran de vingt-sept ans. Diplômes d’animation en poche (BAFA, BAFD) il fait ses classes en Chartreuse avant de venir s’installer en Champsaur en 2017, comme directeur adjoint du centre de vacances « la Martégale » à St Hilaire, hameau d’Ancelle.
Il y rencontre sa compagne Pauline. Les débuts de leur idylle est plus ou moins concomitant de la cessation d’activités du « Sentier des ânes » sis à Saint-Julien en Champsaur. Les accompagnateurs en montagne de la vallée, pour ne pas perdre une part de leur offre touristique (balades avec ânes bâtés) proposent à la Martégale d’en héberger quelques uns sur les terrains du centre.
Un accord est passé. Un, puis deux jusqu’à sept bêtes vont donc venir débroussailler les terres ancelluses et participer à l’animation du lieu ; Pauline qui a déjà travaillé avec des équidés, est en charge des animaux.
Comme pourrait le laisser penser le clin d’œil fait à cette activité agricolo-touristique, c’est loin d’être une sottise, les fondements de « La belle ânerie » viennent d’être posés (mai 2019).
Parcours agricole
Concordance des temps encore, Maud et Régis viennent d’acheter, bâtiments et terres, aux Matherons, autre hameau d’Ancelle. Ils ont décidé d’y pratiquer en permaculture du maraîchage de haute montagne (1300 m), transformé sur place … se positionnant ainsi comme une offre locale complémentaire de « Légumontagne » sis au hameau des Faix.
Peu à peu, à partir de la rentrée 2019, entre les deux jeunes couples se dessine un projet commun avec le souci de produire ce qui n’existe pas sur le secteur, pour ne pas nuire aux agriculteurs déjà en place, une sorte de contre-chant à celui de la concurrence libre et non faussée porté par l’économie libérale.
Ainsi donc, Pauline s’inscrit en formation BP REA (Responsable d’Entreprise Agricole) en vue de s’installer agricultrice. Les apprentissages réalisés au cours d’un stage « poules pondeuses » à Chorges, vont venir conforter le projet des quatre des Matherons et permettre à Jean-Baptiste de quitter la Martégale.
Nos quatre entreprenants créent alors l’EARL « Les soldanelles » (janvier 2021, gérante Pauline Chevillot), plus adapté qu’un GAEC à des personnes sans liens familiaux.
En aménageant l’étage du corps de ferme (de septembre à la Noël 2020) et en créant leur atelier de poules pondeuses, Pauline et Jean-Baptiste confortent donc les activités de « La ferme des Soldanelles ».
Afin de proposer une véritable offre sociale et éthique qui se démarquent de l’existant, ils choisissent d’élever leurs pondeuses en bio.
Le parcours des poules pondeuses
Pour se conformer aux réglementations en cours et au cahier des charges bio, grâce à la DJA (Dotation aux Jeunes Agriculteurs), l’entreprise, dès la rentrée 2020, investit dans
• la clôture d’environ un hectare de prairies, isolation sanitaire (obligation de sur-chaussures et de gel hydroalcoolique pour pénétrer dans l’enclos)
• la poursuite des plantations, initiées par Maud et Régis, de fruitiers (pommiers, pruniers), d’espèces dites auxiliaires (tilleuls, bouleaux) ainsi qu’une strate arbustive (sureaux, goji). Ces haies et leurs baies permettent de compléter l’alimentation naturelle offerte par la prairie, amènent des jeux (morceaux de bois à picorer pour éviter le piquage entre poules) et d’assurer une protection supplémentaire contre les prédateurs (surtout l’Autour des palombes)
• l’achat de trois poulaillers mobiles
• l’achat de grillages type URSUS pour volailles.
• le contact avec une ferme de la Drôme pour l’achat d’un aliment bio, complément nécessaire à une bonne production (80% de céréales françaises + 20% de soja européen) complémenté en calcium pour des coquilles solides.
Ces investissements sont faits sans emprunts pour éviter de mettre les doigts dans l’engrenage financier de l’endettement, là aussi un choix éthique !
Poulaillers mobiles et Ursus permettent de créer dans l’enclos, une rotation des parcours herbeux pour la repousse et le vide sanitaire obligatoire entre deux bandes.
La première bande de poulettes âgée de 21 semaines, arrive en février 2021 (180 têtes), la seconde (250 têtes) sera livrée en juillet. A leur arrivée, les gallinacées sont vermifugés avec des huiles essentielles, processus renouvelé toutes les six semaines.
Jean-Baptiste récolte en moyenne 400 œufs par jour, écoulés en majorité sur le réseau des biocoops et sur le marché d’Ancelle. En cas de besoin, il assure en plus le marché de St Bonnet.
Parcours d’accueil
Les autres producteurs de la commune leur ont réservé un bon accueil, parce qu’ils ont su faire preuve d’humilité dans leurs relations en recherchant du conseil.
Les nombreux estivants et la clientèle ont su répondre présents à cette nouvelle offre de manger sain et local.
En bref, une bonne intégration loin de l’intégration à la filière aval promise par les élevages industriels.
Pour l’heure, le renouvellement des poules n’est pas à l’ordre du jour …. personnellement, je vois déjà quelques poules au pot aromatiser de leurs effluves , ma cuisine.
Tiens, ça serait intéressant de remettre ce plat, carrément franchouillard, au goût du jour …. une sorte de banquet festif, entre Champsaurins, pour resserrer les liens sociaux fort éprouvés par la crise. Pourquoi pas ?
Merci Jean-Baptiste pour cet échange. Voilà un envol fort bien réussi !